Extrait SEHRI :
Si les témoignages sur l’émigration en armes nous renseignant sur la structure des unités, leur uniforme, leurs campagnes, etc. sont souvent aussi rares que parcellaires, ceux de simples cavaliers ou de sous-officiers le sont encore plus, d’où le caractère exceptionnel de ce classique de la littérature militaire britannique qu’est le recueil des souvenirs de Norbert Landsheit, pensionnaire de Chelsea (l’équivalent des Invalides), recueillis par G.R. Gleig : The Hussar. Ce dernier auteur s’était spécialisé, à l’issue des guerres napoléoniennes, dans de telles biographies militaires et le récit des campagnes des troupes britanniques.
D’origine allemande, Landsheit naquit le 4 novembre 1775 sur le territoire de la principauté de Cologne, non loin de Crefeldt, et fut envoyé par ses parents continuer ses études à Düsseldorf, en 1792, alors que la ville était pleine d’émigrés français, et menacée par l’offensive de Custine. Craignant pour sa sécurité, le père de Norbert l’expédia au Hanovre auprès de son frère qui entraîna bientôt son neveu à Osnabrück où il lui fit jurer de le suivre s’il parvenait à s’enrôler au service de l’Empereur contre ces « ennemis de la race humaine », c’est-à-dire les Patriotes ! En juillet 1793, ils s’installèrent à Celle (à 40 km au nord-est de Hanovre) où l’oncle de Norbert surgit bientôt revêtu d’un splendide uniforme d’officier de hussards, selon le principe partagé alors par les Britanniques comme les Allemands, et consistant à accorder des commissions d’officiers et de sous-officiers en fonction du nombre de recrues enrôlées ! En août 1793, le jeune Norbert s’engagea à son tour dans les hussards du baron Charles de Hompesch.
Sir Herbert Taylor, qui fut de nombreuses années le secrétaire particulier du duc d’York, rencontra le baron Charles Hompesch (mort en1811 ou 1812), en 1793, alors que lui-même se trouvait à Francfort, et nous en a laissé une description on ne peut plus vivante. Descendant d’une très vieille famille du Rhin et sujet du Hanovre, Hompesch était un home d’une grande force physique, très entreprenant, mais d’un caractère sauvage, soudain et particulièrement violent. Possédant peu de discernement, si ce n’est pour les transactions pour lesquelles il savait se montrer sans scrupules dès qu’il s’agissait d’argent, il s’enflammait au moindre point d’honneur et se portait à toutes les extrémités contre quiconque entendait lui tenir tête. Quoiqu’il se soit attaché au jeune Taylor, celui-ci était bien encombré d’un pareil compagnon dont il était convaincu qu’il était fou.
Après avoir été au service de l’Autriche, Hompesch s’était querellé avec ses supérieurs, jugeant que ses talents étaient sous-employés, et était passé à la solde de la Prusse pour tenter d’organiser un soulèvement en Hongrie. Fait prisonnier puis évadé, il avait réussi à rejoindre la Prusse où, comme capitaine, il avait été attaché aux Hussards noirs. Pour avoir fait montre d’un grand courage au cours de la campagne de 1792 en France, il reçut l’ordre du Mérite et la promesse d’une compagnie dans les Hussards d’Eben. Ayant sauvé la vie du fils d’un général au cours d’une escarmouche en-deçà du Rhin, il fut bien reçu aux hussards d’Eben mais n’y resta pas longtemps car il se présenta en 1793 à l’état-major du duc d’York pour y proposer de lever un corps de cavalerie et un autre d’infanterie dont une partie rejoignit l’armée anglaise en Hollande en 1794. Toutes les sources traitant de ce corps, citent à l’unisson la capitulation qui fut signée le 27 février 1794 avec l’armée britannique pour lever, sous trois mois, trois escadrons de hussards, chacun fort de 3 troops ou pelotons de 3 officiers et 81 sous-officiers et hussards montés sur des chevaux polonais ou hongrois, alors que la biographie du lieutenant-colonel Bryan O’Toole atteste qu’il fut nommé cornette des hussards de Hompesch dès 1793. Officier au service de la France, O’Toole (en 1789, sous-lieutenant au régiment de Berwick) avait fait la campagne de 1792 au sein de l’armée des Princes puis participé à la bataille de Jemmapes et à la retraite de Clerfayt sur la Roer. Servant ensuite dans les rangs autrichiens, il fut à la levée de Maëstricht, à la bataille de Neerwinden, au blocus de Charleroi, à la bataille de Charleroi et enfin à l’action conduite contre le canal de Louvain, sans doute officier subalterne au sein d’un régiment de hussards émigrés.
Selon Landsheit, le régiment reçut l’ordre de se mettre en marche pour les Provinces-Unies au printemps 1794 mais l’auteur fut blessé d’un coup de pied de son cheval qui lui sauva sans doute la vie car un grand nombre de hussards d’Hompesch auraient été ou tués ou faits prisonniers au cours d'un seul combat. Son oncle comptait parmi les premiers ; alors qu’il allumait sa pipe à celle d’un de ses camarades, tous deux à cheval à quelques pas en avant de leur troupe, les deux officiers eurent la tête emportée par le même boulet… Le 19 août, lorsque le régiment gagna Oosterhout, en Hollande pour y rejoindre l’armée du duc d’York, il ne comptait plus que 13 officiers – dont O’Toole – et 215 hussards, présentant donc un déficit de près de 400 hommes… Ce dernier chiffre est sans doute juste (Hompesch ne compte que 2 escadrons sur l’ordre de bataille de l’armée du duc d’York, en août) mais étonnant car Landsheit précise que des 1200 hommes (tout d’abord des déserteurs allemands ou autrichiens, voire des émigrés, puis sans doute des volontaires originaires du Hanovre et des Etats voisins de Hesse, de Saxe-Weimar ou Westphalie) qui avaient suivi le baron de Hompesch à l’entrée en campagne, il n’en comptait plus qu’une poignée qui servit de noyau au nouveau corps qui se distinguait par son caractère cosmopolite : Allemands, Russes, Prussiens, Danois, Suédois, Hanovriens, Polonais et même deux Tartares, et le fait que deux tiers des officiers étaient des émigrés français auxquels Hompesch donnait la préférence. Comme nous le verrons plus loin, ce point signifie que Landsheit s’est trompé de 600 hommes ou bien qu’Hompesch avait bien levé 1200 hommes pour armer deux régiments (s’agit-il des Chasseurs à pied ?).
Nous avons très peu d’informations sur les combats auxquels Hompesch participa mais nous savons du moins que ses deux corps, Hussards et Chasseurs à pied, enregistrèrent de lourdes pertes, en particulier les 14 et 15 septembre, à hauteur de Boxtel où se trouvaient les avant-postes de la position de l’armée britannique établie à Heswick (moins du fait des pertes au combat que de celle de 30 hussards faits prisonniers). Le général During, un excellent officier des troupes de Hesse-Darmstadt y commandait le corps constitué de deux bataillons de cet Etat, de deux compagnies de Jägers, deux pièces de canon, deux escadrons de British Light Dragoons ; 4 escadrons des Hussards d’Irwine (on trouve alors la mention de « Erwin hussards »), 2 escadrons des Hussards de Hompesch et 1 de Choiseul Hussards. A l’issue des combats au cours desquels les républicains tentèrent de couper la retraite et donc le franchissement de la Meuse à cette avant-garde, les hussards de Hompesch et d’Irwin auraient été responsables d’un début de panique mais les chasseurs se distinguèrent le jour suivant.
Le régiment des Hussards de Hompesch, déjà régulièrement affecté par la désertion, connut comme d’autres corps, à la fin de l’année 1794, une mutinerie lorsqu’il apprit qu’il risquait d'être embarqué. Après un complot conduit par un certain Capitaine Dalwig, visant à entraîner une partie du corps au cœur de l’Allemagne pour y rejoindre l’armée de Condé, le lieutenant-colonel des Hussards de Salm (ancien lieutenant-colonel dans Dauphin Dragons) tenta une nouvelle action au début du mois de décembre (il sera fusillé avec deux autres meneurs). Bien qu’on ait expliqué aux Hussards de Hompesch qu’ils allaient s’embarquer pour l’Angleterre où ils seraient intégrés dans la garde de la reine Charlotte, ils craignaient, par quelque subterfuge, de finir comme matelots ou fantassins sur les navires de Sa Majesté Georges III…
Au moment de sa sortie de Hollande, alors que les régiments étrangers et émigrés étaient réunis en Ost-Friesland, Hompesch comptait encore 385 hussards (Colonel comte d’Heilimer, Alsacien) et 77 chasseurs (Major Pfeiffer). Renforcé de 150 recrues en Novembre 1794, le régiment, qui avait été évacué en janvier suivant au Hanovre, remonta bientôt à 3 escadrons (616 hommes au 13 Février) et fut jugé complet en avril 1795. Il ne connut plus aucune action majeure, et poursuivit sa montée en puissance ; grâce à l’exploitation des Archives du Ministère des Affaires étrangères (papiers de Barthelémy, notre ambassadeur à Bâle qui négocia la paix séparée avec la Prusse), nous savons que leur destination n’était toujours pas arrêtée à l’été 1795 :
Brême, le 12 juillet 1795 (bulletin de Sturler) – « Il est enfin décidé que tous les émigrés à la solde de l’Angleterre s’embarqueront le 24 à Bremerlé et Staade, excepté les deux corps de Salm et de Hompesch qui se joindront comme corps allemands à la cavalerie anglaise [projet de faire descendre la cavalerie anglaise par Minden sur Francfort pour rejoindre l’armée impériale].
L’état des effectifs donne alors 39 officiers et 772 hommes, cantonnés à Stade, le 10 octobre 1795. Si l’on en croit Landsheit, après avoir quitté la bouche de l’Elbe le 18 mars et longé les côtes danoises (ce qui permit à 12 hommes de s’échapper de leur transport et de gagner en canot le Danemark où ils trouvèrent un asile), la flotte anglaise mit enfin à la voile le 7 avril 1796 (et non 1795) pour l’Angleterre. Le convoi fut ancré au large de Southampton et à proximité de l’île de Wight, et le corps enfin débarqué à Hythe d’où il gagna des quartiers rudimentaires. Moins d’un mois plus tard, le duc d’York, le Prince de Galles et l’état-major du régiment le passèrent en revue, et le Prince de Galles fit savoir quelques jours plus tard qu’il adoptait les Hussards de Hompesch ; en conséquence, ces derniers abandonnèrent leurs vieux boutons pour de nouveaux, clinquants et argentés, portant les plumes d’autruche et la devise du prince.
Trois jours plus tard, alors que ceux-ci se voyaient déjà de service à Buckingham, on leur annonça qu’ils étaient destinés à servir à Saint-Domingue et que le convoi repartirait aussitôt… Chacun s’étonna de l’absence du baron de Hompesch (ou feignit de s’en étonner) dont les aventures rocambolesques nous sont connues depuis peu. Au printemps 1796, Hompesch fut fait prisonnier par les Français alors qu’il cherchait à rejoindre son corps avec la caisse régimentaire, ce qui devait l’empêcher de poursuivre la levée du corps de chasseurs à pied ; il réussit néanmoins à s’échapper et, après avoir traversé le Rhin à la nage, à gagner un poste autrichien. Quelque temps plus tard, il tomba à nouveau entre les mains des Français mais réussit à leur faire croire qu’il était au service du comte de Hardenberg (Hanovrien), ministre plénipotentiaire du roi de Prusse chargé de négocier la paix séparée avec la France. En conséquence, il fut dépêché à Paris et en revint chargé des courriers confidentiels du Comité de Salut public destinés à l’ambassadeur Barthélemy, en poste à Bâle !!!
LE COMITE DE SALUT PUBLIC A BARTHELEMY
270. – Paris, 21 floréal [10 mai].
[…] « M. Hompesch, colonel prussien, parti ces jours derniers de Paris pour Bâle, est chargé de notre réponse à la note de M. de Hardenberg qui vous concerne et d’une copie de cette même note pour vous. Nous avons saisi avec plaisir, en lui confiant ces pièces, l’occasion de lui donner un témoignage de la satisfaction avec laquelle nous l’avons plusieurs fois entendu raisonner sur les intérêts communs de la France et de la Prusse. Il nous a d’ailleurs paru homme d’un mérite distingué ».
[…] « P.-S. – Notre collègue Gillet qui revient des armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin, nous apprend à notre grand étonnement que le colonel Hompesch n’était pas prisonnier prussien, mais prisonnier anglais ; qu’à la vérité il a été quelque temps au service du roi de Prusse, qu’il a même fait la campagne de 1792 comme officier prussien ; mais que lorsqu’il a été pris à Lydhoven, il était colonel d’un régiment de hussards au service de l’Angleterre, et qu’il y a preuve de ces faits par son propre journal qui est resté entre les mains de notre collègue Gillet »…
Hompesch devait une fois encore prendre la poudre d’escampette, car, entre-temps, il avait prévenu Barthélemy, par un billet en date du 8 mai, qu’étant indisposé il ne pourrait arriver jusqu’à ce dernier et lui faisait donc parvenir les dépêches attendues par son aide de camp, un certain Martinet… qui disparut aussi.
Encore fort de 1070 hommes en janvier 1796, le régiment des Hussards de Hompesch comptait toujours 32 officiers et 994 hommes au 1er juillet 1796, mais 560 au 1er décembre et, après une année de campagne à Saint-Domingue, il n’en alignait plus que 318 de tous grades au 1er juillet 1797 (Landsheit précise qu’au moment du réembarquement, le corps ne comptait que 220 hommes de tous grades aptes au service et autant à l’hôpital)… Licenciés en 1798, les survivants du Prince of Wales’Hussars furent amalgamés pour l’essentiel avec les York Hussars et, pour une centaine d’hommes, fondus avec ce qu’il restait des deux régiments détruits de Rohan Hussars pour former un escadron des Hussards de Guernesey (autre corps éphémère), chargés de défendre l’île contre une invasion française…
Freidrich, Baron von Rottenbourg, Kt.
Started his career in French La Marche regiment (77e Ligne); ADC to General Count de Salis Marcelins in the Napolitan army; Major in Hompesch Hussars 25 December 1795; Lieutenant-Colonel in Hompesch Hussars 25 June 1796; Lieutenant-Colonel in 60th Foot 30 December 1797; commanded 5/60 Foot 1797 to 1808; brevet Colonel 1 January 1805; appointed commander of Light Infantry Training Camp 1808; commanded light troops at Walcheren 1809; subsequently Major-General 25 July 1810; Colonel of Rolls Regiment 2 September 1813; commanded a division in North America 1814 to 1815; Lieutenant-General 12 August 1819; died April 1832.
Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les Archives militaires britanniques à travers l’exemple des soldats (en majorité allemands) ayant servi dans les Hussards de Hompesch :
http://discovery.nationalarchives.gov.uk/SearchUI/s/res?_q=Hompesch Quoiqu’il existe une représentation assez connue des hussards de Hompesch, à partir d’une gravure donnant un uniforme commun à la plupart des régiments émigrés (et qui reste pour nous à confirmer par un quelconque document d'époque que nous recherchons...), il en existe pourtant une description donnée par Landsheit lui-même, en 1797 :
“Our uniform was of the most splendid description. We wore scarlet shakos, edged with white lace – blue jackets richly ornamented, white buckskin pantaloons, and three-quarter boots ; while our appointments were a sabre and a sabretash – the latter covered with scarlet, edged with white, and suspended by strings of such length as to keep it dangling to our heels. Thus clothed, and accustomed to our sheep-skin saddles, we were, if the truth must be spoken, prodigious dandies…”
… et qui donnera peut-être lieu à une prochaine reconstitution…